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Marseille : "La Plaine, on va pas te laisser béton !" - La Provence - 21 octobre 2018

2 500 à 3 000 personnes ont manifesté hier contre le projet de requalification de la place Jean-Jaurès. Un dossier qui devient un symbole politique.

 

Par Sophie Manelli (Article de la Provence du 21 octobre 2018)

 

Forte mobilisation hier sur le Vieux-Port des opposants au projet de La Plaine, où des arbres ont été abattus ces jours-ci.

 

Couper un arbre et voir bourgeonner, autour de ce tronc sacrifié, une forêt d'épines et de piquants... C'est l'exploit botanique qu'a réalisé ces jours-ci la mairie de Marseille, en abattant 46 tilleuls sur la place Jean-Jaurès. "La municipalité n'aurait pas pu choisir meilleure méthode pour raviver la contestation et mettre le feu à La Plaine", ironisait Marie, une habitante du quartier. Opposante des premiers jours au projet de réhabilitation de la Soleam, cette trentenaire était heureuse, hier, de constater qu'"avec ce massacre à la tronçonneuse, les gens ont pris conscience de ce qui est en train de se passer".

 

En début d'après-midi, ils étaient en effet très nombreux - entre 2 500 et 3 000 personnes de tous âges - sur le Vieux-Port, à répondre à l'appel de l'Assemblée de La Plaine (un collectif de citoyens) pour pleurer les arbres morts, et dire non à cette réhabilitation jugée "absurde". Au milieu de cette petite foule festive et souvent déguisée (en arbres !), les pancartes fleurissaient. "Gardarem La Plana", "Nous sommes tous les enfants de La Plaine", "La Plaine on va pas te laisser béton". Et, même, histoire de mettre les rieurs de son côté, "la Soleam est pour le PSG".

 

"Bétonnage de Marseille"

 

Dans le lot, il y avait bien sûr les habituels activistes de la gauche radicale bien connus dans ce quartier contestataire. Et de vieux militants, qui furent de tous les combats : "J'ai commencé contre la guerre du Vietnam, puis pendant la guerre d'Algérie, et désormais je milite pour les arbres de La Plaine...", commentait, goguenard, l'écrivain Jean Kehayan. Mais il y avait aussi, en nombre, de simples habitants, et pas seulement du secteur de La Plaine. Comme ce couple de sexagénaires, venu d'Endoume pour dénoncer "cette politique municipale qui, de la Joliette au Vieux- Port et désormais à La Plaine, veut tout minéraliser, tout bétonner. Il n'y a plus d'arbres, plus d'ombre, plus de bancs et au final, plus d'âme et plus de vie", assénait le mari.

 

Le "bétonnage de Marseille" : en voilà un thème mobilisateur, comme l'ont bien compris les nombreux élus d'oppositions présents au rassemblement. Jean-Marc Coppola (PCF), Samia Ghali (PS), ou encore Hervé Guerrera, conseiller municipal aixois du Parti occitan, confronté, assure-t-il, "aux mêmes problèmes d'aménagements" dans la cité du Roy René. Sur place lui aussi, le conseiller métropolitain Christian Pellicani (Front de gauche), dénonçait la "gentrification" de la ville. Un embourgeoisement conçu comme une politique publique, "qui chasse les gens de certains quartiers en les excluant par le prix".

 

"En colère", la conseillère départementale EELV Michèle Rubirola alertait sur les îlots de chaleur qui se propagent "de façon catastrophique, au fil des réhabilitations entreprises à Marseille". "Cet été, entre Castellane et les jardins du Pharo, on a enregistré jusqu'à 15 degrés de température de différence, confirmait le président du groupe PS au conseil municipal, Benoît Payan. 

 

Tous les urbanistes du monde le savent, mais à Marseille, on va dépenser 20 millions d'euros pour imperméabiliser les sols et couper des arbres". Pour cet élu d'opposition, l'occasion était trop belle de dénoncer "une municipalité qui décide à la place des gens". Des recours contre l'abattage des arbres et contre le projet d'aménagement ont été déposés par l'Assemblée de La Plaine, qui compte bien poursuivre la mobilisation.

 

On le voit : à l'orée des municipales, la requalification de la place Jean-Jaurès est en train de devenir un symbole de la gestion Gaudin. Comme avec le "PPP des écoles", il y a fort à parier que, même morts, les arbres de la Plaine vont encore bourgeonner.

 

Le soutien de personnalités

 

 

"La requalification de La Plaine est un projet pour les touristes. L'idée est de créer une grande place standard aseptisée, pour les attirer dans le centre-ville et les faire dépenser leur argent". Patrick Lacoste n'est pas un zadiste mais un urbaniste. Il fait partie de la trentaine de personnalités reconnues dans leur domaine qui ont signé une déclaration commune pour demander l'arrêt du chantier de La Plaine et la réouverture d'un débat. Parmi eux, les architectes Patrick Bouchain, Olivier Bedu, Florent Chiappero, Thierrry Durousseau, l'économiste Philippe Langevin, le psychanalyste Roland Gori, le sociologue Cesare Mattina, la philosophe Joëlle Zask ou encore Philippe Foulquié, fondateur de la Friche la Belle- de-Mai.